Depuis les évènements d’Anefis, les populations du nord
vivent, quotidiennement, dans la peur et l’incertitude. Il ne se passe pas un
seul jour où des bandits armés bien « organisés » ne s’attaquent à ces
populations vulnérables, dont le quotidien se résume désormais à des braquages,
enlèvements, assassinats et autres humiliations. A ce calvaire, s’ajoutent
malvivre, difficultés d’approvisionnement, hausse des prix des produits de
première nécessité… Bref un véritable enfer vécu au vu et au su des forces
internationales dont la mission est d’assurer la protection des civils menacés
de violences physiques. A vol d’oiseau entre Goundam et Tombouctou, deux
témoignages accablants sur le quotidien de ces populations abandonnées à leur
triste sort.
« Nous
ne comprenons pas ce qui se passe dans notre pays. La situation sécuritaire est
de plus en plus précaire. Il y a toujours trop de braquages sur l’axe
Goundam-Tombouctou. Des bandits ou du moins des groupes armés très
organisés s’en prennent aux personnes qui osent emprunter ce trajet. Désormais,
personne ne prend le risque de quitter Tombouctou pour Goundam sans une escorte
de l’armée. Ces escortes partent les lundis, jeudis et samedis sur l’axe
Tombouctou-Goundam et une fois dans la semaine sur la route
Tombouctou-Douentza… », a affirmé Yaya T,
ressortissant de Tombouctou, joint au téléphone.
Pour lui, la situation est grave. Et les populations
sont dépassées par les évènements. Dans la cité des 333 saints, l’insécurité
dans la région commence à avoir des effets négatifs. Les produits de
première nécessité sont de plus en plus rares. Ce qui provoque une hausse
substantielle des prix. Les voies d’accès à la région sont à la merci des
bandits armés. Du coup, les commerçants et les transporteurs ne prennent plus
de risques. Ce sont désormais les trafiquants, ceux qui sont prêts à
affronter tous les dangers, qui ont voix au chapitre. Avec eux, les prix ne
sont pas contrôlables. Ils agissent en fonction de leurs intérêts. Et ce sont
les populations qui payent le prix fort. L’insécurité ambiante a découragé tous
les grands fournisseurs de la région. Presque toutes les stations d’essence ont
suspendu leurs activités à Tombouctou. Qui est désormais approvisionnée en
carburants par des entreprises non identifiées. Le litre d’essence est passé de
650 à 1000 FCFA, depuis la reprise des braquages et enlèvements. C’est pareil
pour tous les autres produits qui venaient auparavant de certains pays
frontaliers comme la Mauritanie et l’Algérie. « Maintenant que tout nous vient de Bamako seulement,
les produits sont devenus très chers… », a précisé notre
interlocuteur.
La situation à Goundam n’est pas très différente de celle de Tombouctou.
Mohamed Traoré, agent de terrain d’une ONG locale à Goundam, témoigne d’une
certaine accalmie dans sa ville. « Tout
va bien à Goundam. Mais en dehors de Goundam, les risques d’attaques et
braquages sont toujours présents. Même les escortes annoncées entre Goundam et
Tombouctou, ne sont pas régulières. C’est pourquoi, les gens ont choisi de
changer de trajet pour accéder à Tombouctou où sont faits les salaires et
autres activités bancaires. Beaucoup de personnes quittent Goundam pour
Diré où elles empruntent la voie navigable (Diré-Tombouctou)… »,
explique l’agent de terrain. Qui n’a pas manqué d’attirer notre attention
sur la rareté de l’argent à Goundam. « Personne n’ose plus prendre de l’argent avec lui sur l’axe
Tombouctou-Goundam. Il y a seulement quelques jours, les bandits ont pris 10
millions de FCFA avec un commerçant d’ici (Goundam, ndlr). Désormais, c’est le
transfert d’argent avec les opérateurs nationaux qui sauvent un peu les gens.
Là aussi, c’est cher. C’est pourquoi les montants transférés, ne sont pas
élevés. Et la rareté de l’argent répercute sur la vie des populations,
qui n’ont pas assez d’options pour joindre les deux bouts et faire face à leurs
besoins élémentaires… », note M. Traoré.
Nouvelles
bases rebelles
A Goundam aussi, les prix du carburant et du riz ont grimpé. Le kilogramme de riz
est passé de 275 à 350 FCFA. Pendant ce temps, le litre d’essence coûte entre
900 et 1000 FCFA contre 600 et 650 FCFA avant les récents évènements.
Notre interlocuteur a surtout précisé que l’accalmie
dont il est question n’est valable que pour la ville et non le cercle de Goundam,
qui subit les contrecoups de la crise d’Anefis. Il confirme l’installation de
nouvelles bases par les rebelles dans certaines localités, notamment à Koïgoumo
(à moins de 20 km
de Goundam), à Raselma (à 50
km environ), à Farach, dans la commune d’Essakane (très
proche de Bintagoungou (à 45
km de Goundam). Les incessants braquages dans cette
partie du Mali sont attribués à ces bases de la Coordination des mouvements de
l’Azawad (CMA) et particulièrement celle de Ber. Qui bénéficierait de la
protection de la Minusma et des forces françaises. C’est du moins la conviction
de nos interlocuteurs et de nombreux maliens. Les populations du nord
s’interrogent sur la nécessité de la présence des forces étrangères sur le
territoire malien dans la mesure où elles ne parviennent même pas à se
protéger, encore moins sécuriser les civils, comme le dit stipule expressément
la résolution 2227 dans son point 14 relatif à la protection des civils. La
Minusma doit, entre autres, « assurer,
sans préjudice de la responsabilité première des autorités maliennes, la
protection des civils immédiatement menacés de violences physiques ;
Fournir
un appui aux autorités maliennes pour stabiliser les principales agglomérations
et les autres zones où les civils sont en danger, notamment dans le nord du
pays, en effectuant des patrouilles de longue portée, entre autres choses, et,
dans ce contexte, écarter les menaces et prendre activement des mesures pour
empêcher le retour d’éléments armés dans ces zones ;
Assurer
une protection particulière aux femmes et aux enfants touchés par le conflit
armé, notamment en déployant des conseillers pour la protection des enfants et
des conseillers pour la protection des femmes, et répondre aux besoins des
victimes de violences sexuelles et sexistes liées au conflit… ».
Le
gouvernement « ligoté »
Mais sur le terrain, le constat est accablant.
L’armée malienne, même agressée, ne peut se défendre contre les rebelles de
Kidal. Si ce n’est pas la France qui s’oppose à une avancée des troupes
maliennes sur le territoire national, ce sont les casques bleus de la Minusma
qui s’interposent. Après l’attaque du check point à la rentrée de Tombouctou,
les forces de sécurité du Mali ont été dissuadées par les forces françaises et
de l’ONU, de toute poursuite contre les assaillants. N’est-ce pas là une
violation flagrante de la résolution des Nations Unies : « assurer, sans préjudice de la responsabilité première
des autorités maliennes, la protection des civils… ». Non
seulement les civils de Tombouctou, Gao et Kidal ne sont pas sécurisés (en
témoignage les braquages réguliers dans des localités où les casques bleus sont
présents). Mais le pire, c’est que la Minusma et les forces françaises font de
la protection de leurs bourreaux, la raison de leur présence au Mali.
Quant au gouvernement du Mali, il s’est fait
« ligoter » en acceptant un accord de paix fait sur mesure et contre
les intérêts maliens. Au finish, défendre ne serait-ce que son honneur, est
devenu la croix et la bannière. Les récentes déclarations du chef de l’Etat,
lors de sa visite au Niger, contre les combattants de Gatia, prouvent
l’incapacité des autorités maliennes à assumer leur responsabilité première,
notamment la sécurité des Maliens et leurs biens. Et au rythme où vont
les choses, on s’interroge : A quand la fin du calvaire des populations du
nord ?
Idrissa
Maïga
Source: L'Aube
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